[vague post originellement écrit le 17.10.2019, posté le 08.11.2019]

ça fait trois jours qu’eva et moi avons atterri à Montpellier, avec dans l’idée de trouver un appartement, un petit boulot pour financer le dit appartement / les projets / le matos / la bouffe et puis, en gros, se lancer dans une année à cheval entre les différents buts que nous nous sommes fixés. pour ma part, passer le permis, aller à la piscine, postuler à des appels à projets, produire de la musique. voir où tout cela mène.

[d’abord une digression pour exposer mon point de vue actuel sur la scène artistique d’une région et d’une ville qui me sont pour le moment en grande partie inconnus :

située entre marseille, toulouse, l’espagne, et plus proche, nîmes, lattes, sète, montpellier est au carrefour de villes qui m’attirent, c’est une des raisons pour lesquelles nous avons choisi cette ville

j’avoue avoir été un peu inquiet au premier abord, avant de débarquer ici. j’avais eu les échos d’un commissaire d’exposition de la région pour qui il semblait plus difficile pour un.e jeune artiste en occitanie d’obtenir bourses, lieux d’expositions, etc. - en tous les cas comparé à ce qu’il avait observé en bretagne. j’étais aussi allé me renseigné en ligne sur la part donnée aux ateliers d’artistes par la ville : là encore, les différents articles décrivent une mairie qui favorise la location d’appartements aux touristes, aux étudiant.es, bref au marché de l’immobilier, plutôt que d’avoir une politique de mise à disposition de locaux à bas prix pour les artistes comme on pourrait le trouver à Sète. ceci est aussi dû à l’architecture de ces deux villes, Sète ayant à disposition des bâtiments industriels abandonnés se prêtant un peu plus à ce genre de pratique.

outre cela, j’avais fait des recherches sur les artist run space de la ville - y figuraient la jetée et aperto. c’est à ce dernier qu’eva et moi avons tenté de nous rendre avant-hier, en vain - l’espace était fermé exceptionnellement. il en allait de même pour l’Hôtel des collections du MO.CO. après s’être promené dans figuerolles, on a laissé tomber l’art pour la journée.]

finalement, hier après-midi, nous nous sommes rendus à la panacée, où exposent jusqu’au 05.01.2020 ambera wellmann, estrid lutz, et caroline achaintre. je ne connaissais aucune des trois artistes auparavant.

j’avoue que j’arrive rarement à entrer réellement dans un exposition de peintures. il y en a pourtant qui m’ont fascinées sur le coup, je me rappelle d’une toile de Geneviève Asse au musée des beaux arts de Rennes devant laquelle j’étais resté longtemps, et ce à plusieurs reprises - elle m’apaisait. peut-être que je manque d’éducation historique à ce médium, ou que c’est dû au fait que je ne l’ai pas assez pratiqué, ou que j’ai plongé dans le monde de l’art à travers des médiums tels que la vidéo, ou peut-être que c’est quelque chose de générationnel. pourtant l’idée de peinture contemporaine, l’idée que des gens pratiquent toujours un médium aussi ancien, arrivent encore à l’innover, à écrire son histoire, m’interpelle. je pense que je reviendrai sur cette question plus tard. bref tout ça pour dire que l’exposition d’ambera wellmann - la première à laquelle on a accès quand on entre dans la Panacée -, j’ai eu du mal à me plonger dedans. l’artiste propose une série de peintures, donc, toutes d’assez petit format (sauf une grande à la fin), sur lesquelles elle montre à voir des humain.es a priori sans genre qui se livrent - dans la plupart des tableaux - à des ébats sexuels. quand je dis sans genre, c’est qu’on ne reconnaît pas forcément le sexe des individu.es, et que bien souvent les corps représentés forment des masses, ne deviennent qu’un. ça m’a rappelé, de manière assez évidente, les toiles de francis bacon. j’ai bien aimé le grand format qui se glisse à la fin de l’exposition d’ambera wellmann. il y avait un rapport au geste, à la superposition des couches qui m’a plus marqué que sur les petites toiles. peut-être, du coup, un rapport au corps à une échelle plus grande.

dans l’ordre proposé par la panacée, c’est l’exposition d’estrid lutz que je devais voir en second. un groupe scolaire avait empli les salles qui lui étaient consacrées, le vigile à l’entrée m’a indiqué d’aller voir la troisième exposition puis de revenir.

caroline achaintre à nommé son exposition ''permanente''. elle y présente des tapisseries, des céramiques, et des petits formats dessin / aquarelle. au milieu de la première (grande) salle, une espèce de scène d’une cinquantaine de centimètres de haut sur environ cinq mètres de large et trois de long, sur laquelle est disposée une série de céramiques / sculptures. une dizaine de formes étranges placées à un mètre l’une de l’autre, certaines sur des socles, d’autres directement sur la scène qui, d’ailleurs, incorpore un des poteaux soutenant le plafond de cette salle du MO.CO; j’ai beaucoup aimé cette mise en scène qui prend en compte l’architecture de son espace. j’ai eu un sentiment similaire à celui que j’avais eu quand j’avais vu les photos des scènes qu’avait confectionné kai althoff pour son exposition au moma. les céramiques en elles-mêmes sont organiques, ou rappellent le tissu - un sac à main en liasses de bacon, un tabouret en cuir sm, des rides de peau de reptile. ailleurs, une tapisserie dans laquelle je voyais un loup, accroché au mur, ainsi que de hautes barrières de bambou qui nous regardent de leurs yeux tressés en leur surface. après avoir fait le tour de la deuxième salle, on ré atterrit dans la première, où se révèle de ce nouveau point de vue un détail qui m’avait échappé : derrière un pan de mur rythmé par de grandes ouvertures arquées aux vitres légèrement opaques, une tapisserie en forme de main. on la voit d’abord à travers une de ces ouvertures, puis on entre dans le couloir, et ses couleurs plus vives mais aussi plus sombres donnent un second point de vue à la pièce. le travail de commissariat de l’exposition mis en place par vincent honoré, rahmouna boutayeb et jacqueline kok est, d’après moi, rondement mené :). pour les pièces en elles-mêmes, j’ai aimé le rapport à la texture et au matériau mis en oeuvre par caroline achaintre. les tapisseries sont généreuses, ébouriffées, des grands fils pendent des formes découpées.

après avoir lu l’interview de l’artiste dans le fascicule de l’exposition, dans lequel ce goût pour l’expérimentation de la matière, la “frontière entre la deuxième et la troisième dimension” sont confirmées, je me dirige vers l’exposition d’estrid lutz, qui a été invitée dans le cadre d’une résidence de deux mois à montpellier, et présente ici le fruit de son travail à cette occasion.

il me semble du coup que c’est la plus jeune artiste des trois. dans la première salle, peinte d’un bleu marine sur lequel un gris a été posé à la bombe sur la partie inférieure du mur, dans un espèce de dégradé - on est sur un tie & dye spatial -, est projetée une vidéo. les bords de celle-ci sont flous, et dessinent une vague qui vient épouser la forme de l’aplat de gris. je n’ai pas tout à fait réussi à cerner ce que montre à voir la vidéo ; un élément (en plastique?) transparent flotte à la surface de l’eau, la caméra capture en plan rapproché / contre-plongée l’objet en question. pas grand chose à dire là dessus si ce n’est que quelque chose d’apaisant se dégage de cet espace, entre le bleu profond qui nous entoure et la sensation de flottement que donne à voir l’objet flottant.

il faut passer à travers des rideaux pour pénétrer dans la salle suivante. là, c’est l’obscurité totale, jusqu’à ce que l’on arrive à discerner des tâches de vert fluo, phosphorescent, à différents endroits de la pièce : aux murs, en suspens dans l’espace, au sol. ces taches proviennent de supports à première vue noirs, de différentes tailles. dans la salle collée à celle-ci, même décor. j’entends la médiatrice parler du processus de l’artiste, qui apparemment utilise des matériaux qu’elle trouve ça et là, et d’autres (je ne sais pas si j’invente ce que je viens de dire, j’espère pas) empruntés au domaine scientifique, qui permettraient de donner ces couleurs phosphorescentes. soudain la lumière s’allume, et pour le coup, on voit tout sous un autre jour. la plupart des supports noirs que j’évoquais plus tôt sont des grilles métalliques pliées, arrondies, bombées, rendues volumineuses, sur lesquelles des couches de matières bleues, vertes, jaunes, oranges, noires, se superposent. des fils dépassent de ces objets. parfois les motifs sont délavés, parfois ce sont des aplats. ici le tie & dye mural est inversé : bleu en bas, gris en haut. il y a quelque chose d’organique dans tout ça, mais aussi de lisse comme un film de science fiction. une bande-son sous-marine accompagne le tout, et ces mobiles flottent dans l’eau qu’elle évoque. j’ai bien aimé l’atmosphère générale qui se dégage de l’installation, et peut-être que c’est ce que l’artiste a voulu transmettre ; une atmosphère en deux temps, une installation immersive, sous un océan pollué de plastique phosphorescent - des organismes extra terrestres qui flottent dans l’attente de quelque chose. j’ai juste été un peu frustré sur l’échelle des choses je crois, je ne sais pas si c’était que l’installation ne s’étendait pas assez dans l’espace, que l’espace lui-même n’était pas assez grand, ou qu’au contraire, elle aurait pu être beaucoup plus dense, dans un espace bien plus petit.

Ambera Wellmann, Estrid Lutz, et Caroline Achaintre exposent @MO.CO Panacée (Montpellier) du 05.10.2019 au 05.01.2020


AMBERRA WELLMANN / ESTRID LUTZ / CAROLINE ACHAINTRE @MO.CO PANACEE
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