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[vague post écrit et posté le 16.11.2019]

Lattes, c’est une petite ville accessible de Montpellier en tram, où l’on se rend par une journée froide de novembre pour voir l’exposition de Benoit Maire au musée Henri Pradès. le musée en question a mis en place, comme nous l’explique le sympathique monsieur à l’accueil, un système où tous les ans, un.e artiste contemporain.e propose un projet qui vient faire écho à la collection permanente du musée. cette dernière est consacrée à la ville gauloise puis romaine de Lattara, avec un étage pour chaque époque. le musée en lui-même dégage cette énergie que dégagent souvent les musées archéologiques ou d’histoire naturelle, personnellement j’y ressens quelque chose qui rappelle l’enfance passée en leur sein, donc quelque chose de rassurant, réconfortant,chaleureux - j'ai toujours cette image des trois immenses cerfs qui dominent les visiteurs à l'entrée du musée d'histoire naturelle de Dublin. et puis ici, à Lattes, ça a été enrichissant d'en apprendre plus sur cette époque qui a marqué toute la Méditerranée. le site archéologique en lui-même, où ont eu lieu les fouilles d’où sont extraites une grande partie des pièces de la collection permanente, est visible à travers les baies vitrées du musée ; malheureusement elles ne sont ouvertes au public que pendant l’été. tant pis, tout ça reste idéal pour une journée froide de novembre!

Benoît Maire propose ici un 3e niveau de lecture / écriture (d’où Laicriture) au deux niveaux gaulois et romains de Lattara : le niveau d'écriture français. il décrit cette époque française : ''maintenant que les vestiges du port doublement millénaire sont bordés de pavillons, et ses restes présentés dans une architecture pittoresque témoin d’une époque, avec des murs de béton brut et des parties en crépi.''

ses pièces sont dispersées à travers les deux étages du musée, ainsi que dans sa cour. je crois qu’à côté des pièces qu'il a fabriquées lors de sa résidence en ce lieu, d’autres, comme les différentes chaises de la marque Ker-Xavier, sont issues de projets annexes. deux radios, une imprimée à l’imprimante 3d et donc non fonctionnelle, l’autre typique des années 70 mais diffusant le jingle du journal de 20h des années 2000 quand on l’approche, sont disséminées sur les deux étages. que ça soit pour ces pièces ou la couverture du journal datant de la seconde guerre mondiale accrochée près d'une reproduction de hutte de l'époque gauloise, la lecture m'a paru évidente ; proposer des objets/images qui renvoient directement à ces cent dernières années, les incruster dans une collection qui date d'il y a 2000 ans. témoigner de notre époque aux côtés de la leur, d’un autre temps dans un même lieu.

des ''sphinx'', petites sculptures qui ''mettent en tension objets naturels et objets manufacturés'', sont également présents à différents endroits du musée, l’un est suspendu au-dessus d’une vitrine exposant différents objets romains liés à la toilette, aux produits de beauté de l’époque, l’autre est posé sur une colonne qui sert de socle, devant une des baies vitrées. ici les objets se mêlent plus facilement à la collection de par leur forme, précise, détaillée, et leur matière, de terre, de verre.

mon installation favorite est la chaise posée devant la baie vitrée du second étage. la chaise en elle-même est chouette et confortable, mais c’est surtout le dialogue crée entre l’installation et l’espace qui l’entoure qui me plaît, la mise en situation proposée au spectateur : ''asseyez-vous, regardez devant vous''. on se retrouve dans un espèce de cocon de verre (la baie vitrée dépasse du mur du musée, entre une terrasse et une véranda), à prendre le temps de vraiment regarder le site de Lattara, les vestiges des bâtisses de l’époque.

je crois que les pièces qui prennent vraiment en compte leur environnement (celui du musée en lui-même, bâtiment qui semble dater des années 70?) sont celles qui marchent le mieux ; à l’entrée, mélangées aux cartes postales du musée, Benoît Maire propose au spectateur une série de cartes postales de sa fabrication, qui montrent à voir des photographies qu’il a prises avec son portable pendant la durée de sa résidence. pour le coup il prend en compte non seulement un objet ancré dans un espace, mais aussi le rôle de cet objet, un fonctionnement simple de la boutique du musée, et les images en question témoignent directement de son expérience ici.

c’est vraiment difficile de faire une proposition qui répond à une collection permanente historique. parce que non seulement il y a la collection, mais il y a également le lieu en lui-même, l'architecture, l’environnement. comment s’immiscer intelligemment dans cet ensemble ? faut-il le questionner ? faut-il proposer quelque chose de nouveau, sans rapport ? ce sont des espaces tellement chargés en histoire, il y a tellement de choses.

en ce moment je lis ''archéologie du cinéma & mémoire du siècle'', la retranscription écrite d’un entretien entre Godard et Youssef Ishagpour. à un moment il est question du fait que pour un historien qui raconte l’histoire, il y a un plan puis un autre, une cause et une conséquence. d’après Ishagpour, quand il parle de la manière dont Godard a réalisé son film (constitué de plusieurs films), ''Histoire(s)'', il y a, à l’inverse, comme une sonorité dont on entendrait les harmoniques / les contrepoints / les inversions… le montage et le collage mis en oeuvre permettent le travail avec l’image, directe, et ainsi de rapprocher les choses éloignées.

peut-être qu’il y a là une réponse à ces questions - proposer des images/sculptures et les mettre en tension avec les pièces d’une collection permanente, comme un collage, comme un montage, et ainsi créer des passerelles dans le temps.

''Laicriture'', une exposition proposée par Benoît Maire (commissaire d'exposition Nicolas Bourriaud) a lieu du 28.09.2019 au 17.02.2020 au Musée d'archéologie Henri Pradès, à Lattes
LAICRITURE - BENOIT MAIRE @MUSEE ARCHEOLOGIQUE HENRI PRADES