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[vague post écrit et posté le 10.12.2019]

une grande partie de ce que je fais dernièrement, que ça soit en terme d'écriture, de lecture, de rédaction de notes d'intentions, de visionnage de films et vidéos, se passe devant un écran. quand je décide de m’en détacher et qu'il est l'heure de sortir - dans le cas présent d'aller voir une expo - je sens mes yeux à moitié fermés, trop habitués aux rayons. ajoutez à ça le froid qu'il fait en ce moment, et mon visage entier est tout crispé. c'est dans cet état quelque peu déphasé que je me rends à la l’espace St Ravy, où l'exposition Mutual Warming d’Alizée Quitman, artiste sortie de la Cambre, et d'Henri-Pierre Lecluse, architecte, est présentée.

c'est la première fois que je parle d’une exposition en galerie. un espace plus petit que les Palais de Tokyo, CRAC, etc., donc forcément plus intimiste. un seul projet est montré à voir, il s’étend dans les deux salles l’espace. les artistes n'ont pas forcément la même renommée que ceux.celles de qui j’ai pu parler jusqu'à présent. ma foi c'est agréable.

en plein cœur de Montpellier, au rez de chaussée d'un immeuble, une salle aux baies vitrées faisant face à une de ces places qui ponctuent les ruelles du quartier. des arches au plafond, de la pierre apparente, contrastent avec le lino pas très beau posé au sol. l'expo en elle-même est de l'ordre de l'installation, mi-sculpturale mi-digitale, des écrans et des corps sculptés dans le plâtre. c'est blanc et futuriste, organique et numérique.

une télévision accrochée au mur fait face au spectateur entrant dans la galerie, en son écran deux visages immergés dans les nappes de textures rouges et lisses d’une simulation 3d nous racontent, entre autres, comment un certain Tronald Dump, dernier artiste contemporain en vogue, fait concurrence aux plus grands landscape artistes du 20e avec sa dernière oeuvre en date, un mur immense à la frontière entre les Etats Unis et le Mexique. à droite de la galerie, un peu en hauteur, deux corps sont à table, penchés sur leurs tablettes, incarnés par des visages et mains de plâtre attachés à des barres métalliques modulables. on retrouve ce format tablette sur le mur d’en face : à leur surface, encore des éléments de visages, copiés collés. ces moules d’oreilles, de nez, de bouches, sont également présents sur les demi sphères posées au sol, entre des organes, ainsi que sur deux sortes de colonnes qui tournent sur un axe vertical, lentement, au centre de la pièce.

dans la pièce du fond, les lumières sont éteintes. trois visages figés dans des sortes d’autels, comme Han Solo à la fin de Star Wars 4, sont dispersés sur les murs de la salle. pour l'un des trois, allié à l'architecture de l'espace, quelque chose de presque religieux se dégage. en face, la projection vidéo d'un visage tente d'épouser les formes de son relief, au mur. le décalage entre les deux produit cette impression un peu glauque et malaisante que l'on a souvent devant ces simulations 3d qui tournent sur le net, où des corps difformes dansent sur des sons étranges.

Alizée Quitman et Henri-Pierre Lecluse parlent donc du corps, le corps perdu dans les espaces virtuels du présent, le corps défiguré, coincé dans la matrice de nos tablettes, de nos écrans, dans le flux incessant d'images et d'informations. on sent presque une peur (?) de perdre le corps, le physique, ou du moins un questionnement sur sa nature en ce jour. au-delà du corps, on pourrait parler d'individu noyé dans le global, dans la connexion mondiale. une foule de cyborgs, de personnes cachées derrière des avatars, des corps standardisés, idéalisés.

les artistes parlent de cosmopolitique - relatif à une politique universelle, mondiale - ; de génération "digital native" ; de vie de plus en plus intense qui sera (GLO [le nom du projet] le suggère) amenée à un point de rupture, tant l'accélération de l'évolution technologique occidentale se fera dense.

j'avoue qu'au sortir de ma demi journée passée plongée dans un écran, je ne pouvais qu'acquiescer face à cette sorte d'urgence latente dans laquelle nous fait plonger l'exposition. à peine rentré, je me penche d'ailleurs sur mon ordi, puis mon portable, pour écrire ces lignes. mais que faire à part acquiescer ? l'exposition donne à voir un état des choses, je crois. une réflexion sur une part du présent qui pourrait s'avérer alarmante.

Mutual Warming, une exposition d'Alizée Quitman et Henri-Pierre Lecluse, est visible du 30.11.2019 au 19.12.2019 à l'Espace Saint Ravy, à Montpellier.
MUTUAL WARMING - ALIZEE QUITMAN & HENRI-PIERRE LECLUSE @ESPACE SAINT RAVY